Le petit crayon rouge

Chère amie,

Je te parle toujours de « ma » maison, mais en réalité c’est aussi celle de mon voisin. C’est une grande bâtisse avec deux appartements et deux familles vivant sous le même toit. Nous partageons aussi la forêt sur la colline et la source qui alimente les fontaines. 

Après notre déménagement, quand nous sommes arrivés dans notre nouveau lieu de vie, nous avons fait des travaux de rénovation. A la même période, Dieu a aussi entrepris de restaurer ma famille. Un temps où j’ai pleuré beaucoup et prié comme Néhémie : «Moi et la maison de mon père, nous avons péché.» (Néhémie 1:6)

Cette maison représente pour moi plus que de la pierre. Elle est le lieu où Dieu est venu nous visiter d’en haut, comme le soleil levant, pour nous éclairer et nous diriger sur le chemin de la paix, pour faire de notre foyer une maison de prière où brille sa lumière. (cf. Luc 1:78-79)

Et tandis que d’une certaine façon, nous rebâtissons la muraille et réparons les brèches, notre voisin s’irrite. (cf. Néhémie 4:1) Son nom est Sanballat ou Tobija. Rempli de colère et de mépris, il use de moqueries et de ruses pour nous décourager et nous faire tomber. Il cherche à nous effrayer en se disant : «Ils perdront courage, et l’œuvre ne se fera pas.» (Néhémie 6:9

Parfois, j’ai envie de partir, de tout laisser tomber. Les forces me manquent. (cf. Néhémie 4:10) Mais Dieu me dit : «Ne les craignez pas! Souvenez-vous du Seigneur, grand et redoutable, et combattez pour vos frères, pour vos fils et vos filles, pour vos femmes et pour vos maisons!» (Néhémie 4:14

En même temps, il me rappelle inlassablement : «Aimez vos ennemis…» (Matthieu 5:44) Mais moi, je ne sais pas comment. Quelque chose en moi déteste l’arrogance, l’orgueil, la voie du mal, la bouche perverse. (cf. Proverbes 8:13) Et mon voisin représente tout cela à la fois. Dieu me demande de l’aimer, mais je ne sais pas comment.

Alors un jour, Dieu me montre comment. J’ai rendez-vous dans la forêt avec mon voisin et un géologue pour régler un problème d’éboulement de pierres. Le jour précédent, en pensant à cette entrevue, j’entends résonner dans ma tête et jusqu’au plus profond de mon cœur les paroles arrogantes et méprisantes de cet homme orgueilleux. (cf. Psaume 36:2) Des paroles qui, à chaque fois, me heurtent et me transpercent. Quand il se tient devant moi, mes mains s’agitent, mon cœur tremble, ma gorge se serre. J’ai peur de lui.

Le matin du rendez-vous, dans ma prière, je vois mon Dieu, infiniment grand, revêtu d’éclat et de magnificence :

«Éternel, mon Dieu, tu es infiniment grand! Tu es revêtu d’éclat et de magnificence! Il s’enveloppe de lumière comme d’un manteau … Les eaux s’arrêtent sur les montagnes; elles ont fui devant ta menace, elles se sont précipitées à la voix de ton tonnerre. Des montagnes se sont élevées, des vallées se sont abaissées … Je chanterai l’Éternel tant que je vivrai, je célébrerai mon Dieu tant que j’existerai. Que mes paroles lui soient agréables … que les méchants ne soient plus! Mon âme, bénis l’Éternel! » (Psaume 104, extraits)

Dieu me prépare à mon rendez-vous! Il m’invite à regarder à lui, à le célébrer, à m’en remettre à lui.

«A toi, Éternel, la grandeur, la force et la magnificence, l’éternité et la gloire, car tout ce qui est au ciel et sur la terre t’appartient; à toi, Éternel, le règne, car tu t’élèves souverainement au-dessus de tout! … c’est dans ta main que sont la force et la puissance…» (1 Chroniques 29:11-12)

Le moment venu, juste avant de sortir de la maison, je le supplie encore une fois de me donner sa paix, de venir avec moi. Je lui demande de me remplir de son amour aussi, pour mon voisin, parce que je sais qu’il veut que je l’aime, mais moi, je ne sais pas comment. Je crie à lui : «Montre-moi comment, Seigneur, parce que je ne sais pas comment ».

Nous nous retrouvons devant la maison, avec le géologue, sous une pluie battante équipés de nos grosses chaussures. Personne ne parle. L’ambiance est tendue. En silence, nous nous mettons en marche en direction de la forêt.

Après seulement quelques pas, je vois sur le sol, entre les herbes mouillées, un petit crayon rouge. Un beau rouge, le rouge pour dessiner les cœurs, le rouge de l’amour. Je sais qu’il appartient à mon voisin. Il doit l’avoir perdu alors qu’il travaillait le bois. Je me baisse, le ramasse et le lui tends avec un sourire.

Dieu m’a donné l’occasion de ce geste de bienveillance, de générosité. Un geste tout simple. Comme un élan d’amour … il m’a montré comment.

Nous avançons encore quelques mètres, et puis le chemin se rétrécit. Le voisin passe le premier, il marche devant. Son chapeau le protège de la pluie. Derrière, les feuilles mortes sur le sol détrempé, la boue, la pente glissante … le géologue et moi avançons prudemment, en nous accrochant aux branches pour ne pas tomber.

Et soudain … le voisin glisse. Il cherche désespérément un appui, mais il n’arrive pas à se rattraper. Il tombe à genoux, dans la boue, sous nos yeux. Sans bruit, sans résistance … dans une grande humiliation.

Après cela, plus de parole arrogante, plus de remarque méprisante, plus de regard hautain. Dans la forêt, sous la pluie, Dieu l’a réduit au silence …

Et avec un petit crayon rouge, il lui a dit «je t’aime».

Ce jour-là, dans la forêt, j’ai vu l’amour de Dieu pour mon ennemi. Un amour puissant, un amour touchant …

 
 

Sylvie Scheidegger
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